par Guillaume Bolduc, t.p. gestionnaire de compte Réseau Agrocentre
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27 février 2025
Janvier 2025 : la guerre russo-ukrainienne persiste, le conflit israélo-palestinien est plutôt au neutre, Trump est élu président et menace d’imposer des tarifs à ses partenaires commerciaux... bref, comme à chaque année, il y a de l’incertitude en ce qui concerne le marché et la réalité des acheteurs de fertilisants. Dans cet article nous vous présentons, sous forme de questions-réponses, à quoi ressemble le travail des acheteurs de fertilisants ainsi que des gens qui gravitent autour d’eux. Le contexte géopolitique Q. Quels sont les facteurs qui ont une grande influence sur votre travail ? R. Comme vous vous en doutez, il y a plusieurs facteurs qui influencent la disponibilité et le prix des matières premières. Comme acheteur, on surveille les zones de guerre et l’impact sur l’approvisionnement à partir des endroits avoisinants ces zones. On tente normalement de mesurer, avec l’aide des fournisseurs locaux, l’impact à court et moyen terme sur la fluidité de l’approvisionnement. Le conflit israélo-palestinien par exemple, ne met pas à risque les mines du pays. Le seul enjeu commercial pour le moment est celui du chargement de navires dans cette zone. Disons que les « zones chaudes » apportent des défis sur le plan de la disponibilité du transport, du partage des risques, de l’assurabilité, et au final, du coût. Nous avons des discussions hebdomadaires avec nos principaux partenaires transactionnels et ce, pour minimiser l’impact du prix à la ferme. Les dernières années ont été plus complexes mais tranquillement, ces nouvelles réalités sont devenues une sorte de « normalité ». Q. Comment gérez-vous ça au jour le jour ? R. Probablement comme le font les producteurs : en ayant des communications constantes avec nos fournisseurs. On anticipe et analyse le risque, on prévoit des alternatives, on décale des transports et des achats. Finalement, ensemble, on travaille à minimiser l’impact sur la chaîne d’approvisionnement. Le gaz naturel et le dollar Q. Il y a un facteur qui revient souvent dans les conversations cette année, soit le prix du gaz naturel. Pouvez-vous dresser un portrait de ce secteur ? R. Il faut se rappeler qu’avant la guerre, l’Europe achetait une bonne proportion de son gaz naturel de la Russie, ce qui n’est plus le cas. Le prix d’approvisionnement est plus élevé parce qu’elle doit maintenant se tourner vers d’autres marchés, et la ressource est plus rare. En ce début 2025, il faut être conscient que le gaz est presque aussi cher que l’année du déclenchement de la guerre Russie/Ukraine. Cela a un impact direct sur le coût de l’azote fabriqué là-bas dans des usines qui requièrent une grande quantité de gaz naturel. Q. Il y a certainement d’autres facteurs qui influencent le prix des fertilisants ? R. Oui, il y a les mouvements des grands marchés de consommation tels que la Chine, le Brésil, l’Inde et les États-Unis. Ils ont une grande influence sur l’offre et la demande, donc sur les prix par ricochet. Il faut aussi tenir compte de la valeur de notre monnaie, car les transactions s’effectuent en dollars US. Cela dit, le prix du gaz naturel génère plus de pression qu’à l’habitude. On doit surveiller quotidiennement ce marché pour voir les opportunités d’achat se présenter. Q. Parlons un peu du dollar, ce n’est sûrement pas facile de travailler avec un taux de change en baisse ? R. Effectivement, ce n’est pas simple ! L’an passé en janvier notre dollar valait 0.73 USD et maintenant il est à 0.69 USD. L’impact du taux de change sur les fertilisants n’aide en rien les producteurs agricoles à avoir des tonnes d’engrais à un prix moyen normal. Rarement nous avons dû faire face à un dollar si faible. Le transport et la logistique Q. Est-ce que c’est compliqué de trouver des transporteurs ? R. Étant donné que nous achetons constamment sur le marché des fertilisants, il n’est pas si difficile de trouver des navires pour nos besoins. Pour les prix de transport, nous sommes actuellement à des valeurs normales à l’international. Q. Quand avons-nous besoin de wagons pour le transport des fertilisants ? R. Plusieurs raisons peuvent expliquer que nous ayons recours au transport par rails, mais en voici quelques-unes : les achats d’engrais « spot » de petits volumes pour combler les besoins, ou certains achats de fertilisants liquides, qui proviennent des États-Unis et de l’Ontario, pour lesquels le volume et la proximité font en sorte qu’on préconise le train. En règle générale, le transport par train est légèrement plus cher à la tonne que par navire, parce qu’on ne transige pas les mêmes quantités. Le contexte de l’offre et de la demande influence aussi le prix et la disponibilité des wagons en temps opportun est un enjeu de taille ; ça n’a pas été évident dans la dernière année ! Prix des intrants / prix du grain Q. Quel sera le prix des intrants cette année ? R. De façon générale, le prix des intrants est en hausse depuis l’été, mais plus récemment (décembre-janvier) le marché s’est stabilisé. Est-ce que ça va rester comme ça jusqu’au printemps ? Difficile à dire pour l’instant. On peut affirmer que certains produits, surtout à base d’azote, sont en nette hausse par rapport à l’an dernier. Cela va certainement avoir un impact à l’achat pour les producteurs. Q. Pensez-vous que le prix des grains va influencer les achats d’intrants ? R. Il est certain que la baisse du prix des grains qu’on observe depuis un certain temps va affecter le marché des fertilisants, mais de façon mineure. En 2024 par exemple, les producteurs ont décidé de faire à peu près 5% moins de maïs et plus de soya. Cela ne s’est pas automatiquement reflété dans la quantité de fertilisants achetés car la saison s’annonçait bonne et les producteurs ont sûrement appliqué ce dont les plantes avaient besoin. En ce milieu de janvier, on remarque que le prix des grains est à la hausse et cela nous indique aussi que les hectares anticipés en maïs seront possiblement à la hausse versus l’an dernier. La carte cachée du jeu, ce sont les céréales d’automne. Il s’est semé de grandes superficies en blé d’automne, plus qu’à l’habitude, et la survie à l’hiver est toujours imprévisible avec cette culture. Nous verrons le résultat au printemps, mais si la fenêtre le permet et que certains champs sont détruits, il y a fort à parier que la première option de resemis sera le maïs-grain, surtout si le prix offert continu d’augmenter. Dans ce monde d’incertitudes, une chose est claire suite à notre entrevue, nos acheteurs de fertilisants travaillent fort et sans relâche pour nous approvisionner en produits de qualité, en quantité suffisante et à un prix le plus avantageux possible ! Bonne saison 2025 !